Il y a ce que l’on souhaite vivre, ce que l’on projette minutieusement à partir de nos meilleures intentions et nos plus chers désirs… puis il y a ce que l’on vit. Ainsi, j’avais projeté de consacrer cette année 2023 uniquement à l’écriture. Quelle naïveté ! Quand j’y repense, je me vois comme une adolescente qui voudrait vivre éternellement dans les rêvasseries de l’amour. Car (et je ne suis pas la seule à le dire) pour de nombreux écrivains, écrire, c’est comme tomber amoureux. Et que se passe-t-il lorsque vous tombez amoureux ? Eh bien, vous ne vivez plus que pour ce sentiment magique. Amoureuse de l’histoire qui me trotte dans la tête, je voulais consacrer tout mon temps à mon merveilleux roman bien-aimé (violons romantiques)… Mais la vie en a décidé autrement. Obligations financières, réalités en tout genre et perspectives de gros changements de vie m’ont décrochée de mon rêve. La conclusion s’est imposée : non, je ne pourrai pas consacrer mon année 2023 uniquement à l’écriture… Alors me voilà, mon désenchantement encaissé, en train d’essayer de m’organiser. Revoilà les éternelles questions lancinantes : où trouver le temps ? Et si je me bloquais une heure par jour pour l’écriture ? Ou ne serait-ce qu’une demi-heure, faute de mieux ? Mais vais-je réussir à garder la flamme ? Ne vais-je pas me décourager ? Sentir que mon roman s’éloigne de moi, que ses personnages me boudent, que mes visions intérieures se tarissent, que “la voix qui raconte en-dedans” se tait… Horreur ! Le spectre de mon pire cauchemar se dresse à nouveau dans l’ombre de mon cœur : j’ai peur, malgré moi, d’abandonner… Et cette petite voix familière qui ricane au fond de la crypte : “Ah ! Tu es douée pour rêver, Myriam, mais pour créer tu es nulle, zéro, une ratée !”… Tais-toi ! Tais-toi ! Je tiendrai bon ! J’écrirai une heure par jour ! Une demi-heure, si je ne peux pas plus ! Mais j’y arriverai. Les vents furieux de la vie peuvent bien souffler, je m’accrocherai à l’écriture comme au timon de mon navire.
MYRIAM CHIROUSSE 